Aides d’Etat illégales et incompatibles en faveur de 35 multinationales dans le cadre du régime belge d’exonération des bénéfices excedentaires

Belgique
Available languages: EN

Depuis son entrée en fonction, la Commissaire chargée de la politique de la concurrence, Margrethe Vestager, a en ligne de mire les avantages fiscaux sélectifs accordés par certains Etats à des multinationales notamment dans le cadre de « rulings ». Ainsi, elle a ouvert en février 2015 une enquête approfondie concernant une disposition fiscale belge permettant aux entreprises faisant partie d’un groupe de réduire considérablement l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables à l’administration fiscale, du fait de leur appartenance à ce groupe (article 185, §2, B du code des impôts sur les revenus).

La Commission européenne a conclu ce 11 janvier 2016 que ce régime d’exonération des bénéfices excédentaires implique l’octroi d’aides incompatibles et illégales car il déroge à la pratique usuelle de droit commun en matière d’imposition des sociétés.

Alors que les règles belges d’imposition des sociétés prévoient que les sociétés sont imposées sur la base de leurs bénéfices réellement enregistrés et générés par les activités qu’elles exercent en Belgique, le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, en vigueur depuis 2005, a permis à une trentaine de sociétés multinationales de déduire de leur base imposable des bénéfices qualifiés « d’excédentaires » au terme de décisions fiscales anticipées contraignantes, dénommées « rulings ». Selon la Commission, les entreprises bénéficiaires de ce système ne payaient pas d’impôts sur 50 à 90% de leurs bénéfices, jouissant ainsi d’un avantage économique sélectif par rapport aux entreprises belges.

Dans le cadre de l’enquête, la Belgique a argumenté que ces réductions étaient nécessaires en vue d’éviter les doubles impositions. Cet argument a été rejeté par la Commission qui considère que le système mis en place l’a été de manière unilatérale par la Belgique et que ces bénéfices, bien que n’étant pas imposés en Belgique, ne le sont pas non plus à l’étranger. Il n’est pas requis que les sociétés démontrent la réalité d’une double imposition, ni même l’existence d’un risque de double imposition. Ceci a amené la Commission à considérer qu’un tel régime traduisait en réalité l’existence d’une double non-imposition.

Depuis l’ouverture de l’enquête en février 2015, le régime d’exonération des bénéfices excédentaires a été suspendu et aucune décision fiscale anticipée n’a été accordée. Seules les sociétés bénéficiaires de décisions fiscales anticipées résultant du régime mis en place depuis 2005 ont continué à en bénéficier.

Par sa décision, la Commission ordonne à la Belgique de cesser d’appliquer le régime d’exonération des bénéfices excédentaires. En outre, les autorités belges doivent récupèrer la totalité des impôts impayés auprès des sociétés concernées afin de mettre fin à cet avantage indu et de rétablir une concurrence loyale. Ce montant a été évalué à environ 700 millions d’euros.

Compte tenu des enjeux de cette affaire et des montants concernés, il est plus que probable que la décision fasse l’objet de divers recours en annulation devant le Tribunal de l’UE qui aura donc l’opportunité d’examiner les arguments avancés par les autorités belges et les bénéficiaires de cette mesure au cours de l’enquête. Le contrôle exercé par le Tribunal n’est pas purement théorique. Ainsi, par un arrêt du 17 décembre 2014, il a annulé une décision de la Commission du 17 juillet 2013 afférent des dispositions fiscales espagnoles applicables à certains accords mis en place pour le financement et l’acquisition de navires.

Relevons qu’un tel recours n’est en principe pas suspensif et que les autorités belges seront donc contraintes d’entamer la récupération difficile des sommes épargnées par les sociétés visées par la décision de la Commission.

La Belgique n’est pas la seule visée par cette politique européenne stricte à l’égard des rulings fiscaux. La Commission a ainsi ordonné le 3 décembre 2015 de récupérer des aides fiscales comparables octroyées par les Pays-Bas à Starbuck et par le Luxembourg à Fiat. Des enquêtes concernant Apple en Irlande, McDonald et Amazon au Luxembourg sont toujours en cours.