Actualités Droit Social | Novembre 2016

France
Sommaire

Actualité législative et règlementaire

  • Affichage et transmission de documents à l’administration
  • Loi El Khomri : décrets d’application
  • Rescrit social
  • Travail des étrangers
  • Vestiaires et restauration sur les lieux de travail

Actualité jurisprudentielle

  • Clause de non-concurrence
  • Formation et adaptation des salariés à leur poste de travail
  • Prescription des faits fautifs et déclenchement d’une enquête préliminaire
  • Prise d’acte de la rupture
  • Travail temporaire et indemnité de précarité
Actualité législative et réglementaire

Affichage et de transmission de documents à l’administration

Deux décrets en date du 20 octobre 2016, applicables depuis le 23 octobre, remplacent les obligations des entreprises en matière d’affichage par des obligations de communication par tout moyen aux salariés concernés, plus adaptées aux moyens de communication modernes. Ces décrets remplacent également plusieurs obligations de transmission à l’autorité administrative par des obligations de tenir à sa disposition certains documents.

A titre d’exemple, le règlement intérieur doit être désormais porté par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail et aux locaux où se fait l’embauche. L’employeur devait auparavant l’afficher "à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche".

De même, l’ordre des départs en congé est désormais "communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ". Il n’est plus "affiché dans les locaux normalement accessibles aux salariés".

Les dispositions relatives à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes doivent désormais être portées par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail mais aussi aux candidats à l’embauche. Le non-respect de cette obligation est sanctionné, comme l’ancienne obligation d’affichage, par l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe.

L’obligation de communication par tout moyen aux salariés s’applique aussi à l’avis comportant l’intitulé des conventions et accords applicables dans l’établissement, jusque-là affiché aux "emplacements réservés aux communications destinées au personnel".
S'agissant des obligations de transmission à l'inspection du travail, les deux décrets du 20 octobre 2016 prévoient notamment que l’avis du CE sur la mise en œuvre d’horaires à temps partiel, qui était auparavant transmis dans un délai de 15 jours à l’agent de contrôle de l’inspection du travail, doit désormais uniquement être communiqué à ce dernier à sa demande et non plus systématiquement. L’employeur n’a également plus l’obligation d’envoyer à l’inspection du travail un duplicata de l’affichage relatif aux heures de début et de fin du travail et aux heures et à la durée des repos.

Décret n° 2016-1417 et 2016-1418 du 20 octobre 2016 relatif à la simplification des obligations des entreprises en matière d'affichage et de transmission de documents à l'administration

Loi El Khomri : décrets d’application

CPA
Un décret du 12 octobre 2016 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017, définit les conditions de mise en œuvre de la majoration des droits au compte personnel de formation des salariés non qualifiés. Il précise les conditions d'éligibilité au compte personnel de formation des actions permettant de réaliser un bilan de compétences ainsi que des actions de formation dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises.

Décret n° 2016-1367 du 12 octobre 2016 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité

Franchissement du seuil des 300 salariés

Un décret du 25 octobre 2016 fixe les conditions selon lesquelles est apprécié le franchissement du seuil de 300 salariés applicable en matière d’information-consultation et de fonctionnement du comité d’entreprise. Ainsi, le seuil de 300 salariés est réputé franchi lorsque l’effectif de l’entreprise a dépassé ce seuil pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

Décret n° 2016-1437 du 25 octobre 2016 relatif à l'appréciation du franchissement du seuil de 300 salariés en matière d'information-consultation et de fonctionnement du comité d'entreprise

Revitalisation

Lorsqu’elles procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées, les entreprises doivent signer une convention de revitalisation afin de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois et d’atténuer les effets du licenciement sur les autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi. Un décret du 28 octobre 2016 précise les modalités de prise en compte des actions des entreprises engagées par anticipation dans le cadre de l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi.
Décret n° 2016-1473 du 28 octobre 2016 relatif aux modalités de prise en compte des actions conduites par anticipation dans le cadre de l'obligation de revitalisation des bassins d'emploi

Rescrit social

Un décret du 25 octobre 2016 prévoit les modalités de mise en œuvre de certains mécanismes de rescrit social instaurés par l’ordonnance du 10 décembre 2015. Cette ordonnance crée un dispositif de rescrit en matière d’égalité professionnelle et d’emploi des travailleurs handicapés, et élargit le champ d’application du rescrit social à toutes les cotisations et contributions. Le décret du 25 octobre 2016 modifie notamment la procédure de rescrit social en matière de cotisations et contributions sociales. Il précise les modalités de la procédure de rescrit à suivre en matière d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il définit également les effets de l’introduction d’une demande de rescrit sur la procédure d’extension d’un accord de branche, et adapte enfin la procédure de rescrit social pour les travailleurs indépendants cotisant au RSI et pour le régime agricole.

Décret n° 2016-1435 du 25 octobre 2016 portant application de l'ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015 relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur

Travail des étrangers
Une série de décrets et d’arrêtés définissent les modalités d’application de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. Ainsi, un décret (n°2016-1456) précise notamment les conditions de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention "passeport talent" et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention "travailleur saisonnier". Il modifie les conditions de délivrance de la carte de séjour "salarié" et "travailleur temporaire" et énonce les modalités de délivrance de la carte "entrepreneur/profession libérale". Il précise également les conditions de délivrance et de renouvellement des autorisations de travail pour l’emploi des travailleurs étrangers.

Un décret n°2016-1461 fixe la liste des domaines pour lesquels l’étranger qui entre en France afin d’y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à trois mois est dispensé d’autorisation de travail (manifestation sportive, colloque, production cinématographique, mannequinat, expertise informatique, etc).

Le décret n°2016-1463 assouplit les conditions d’accès au marché du travail pour les ressortissants étrangers ayant achevé avec succès des études supérieures en France et trouvant un emploi qualifié. Le décret fixe également à "une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle" le seuil de rémunération au-delà duquel le détenteur de l’autorisation provisoire de séjour peut obtenir une carte de séjour pour un motif professionnel sans que la situation de l’emploi ne lui soit opposable.

Plusieurs arrêtés ont pour objet de fixer la liste des pièces à fournir pour l’exercice, par un ressortissant étranger, d’une activité professionnelle salariée, de définir la liste des pièces à produire pour la demande de délivrance des cartes de séjour temporaire ou pluriannuelle et de déterminer le montant du salaire brut moyen annuel de référence pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention "passeport talent - carte bleue européenne". Ce montant est fixé à 35 891 € à compter du 1er novembre 2016.

Décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 pris pour l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et portant diverses dispositions relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers en France

Décret n° 2016-1461 du 28 octobre 2016 pris pour l'application de l'article L. 5221-2-1 du code du travail et fixant la liste des domaines pour lesquels l'étranger qui entre en France afin d'y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à trois mois est dispensé d'autorisation de travail

Décret n° 2016-1463 du 28 octobre 2016 fixant la liste des diplômes prévue aux articles L. 311-11, L. 313-10 et au 1° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le seuil de rémunération prévu à l'article L. 311-11 du même code

Arrêté du 28 octobre 2016 relatif au montant du salaire brut moyen annuel de référence pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent - carte bleue européenne »

Vestiaires et restauration sur les lieux de travail

Un décret du 6 octobre 2016, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2017, assouplit les obligations de l’employeur relatives à la mise à disposition de vestiaires et d’un lieu de restauration. Ainsi, "pour les travailleurs qui ne sont pas obligés de porter des vêtements de travail spécifiques ou des équipements de protection individuelle, l'employeur peut mettre à leur disposition, en lieu et place de vestiaires collectifs, un meuble de rangement sécurisé, dédié à leurs effets personnels, placé à proximité de leur poste de travail".

De plus, dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à 25, l’employeur doit mettre à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. Ce lieu peut "être aménagé dans les locaux affectés au travail, dès lors que l’activité de ces locaux ne comporte pas l’emploi de substances ou de préparations dangereuses". Cette possibilité, jusqu’alors soumise à autorisation de l’inspecteur du travail, est désormais seulement conditionnée à une déclaration préalable. Le contenu de cette déclaration, adressée à l’inspection du travail et à la médecine du travail, sera précisé par arrêté.

Décret n° 2016-1331 du 6 octobre 2016 relatif aux obligations des entreprises en matière de vestiaires et de restauration sur les lieux de travail

Actualité jurisprudentielle

Clause de non-concurrence

Une clause contractuelle de non-concurrence, qui interdit au salarié d’exercer une activité concurrente après son départ de l’entreprise, est valable si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, si elle est limitée dans le temps et l’espace, si elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et si elle prévoit le versement d’une contrepartie financière.

Un VRP avait invoqué cette dernière condition pour obtenir le versement de dommages et intérêts, la clause inscrite dans son contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière. L’employeur faisait pour sa part valoir que l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, applicable au salarié, prévoyait une contrepartie financière. La cour d’appel avait considéré qu’en l’absence de référence à cet accord dans le contrat de travail, l’employeur ne pouvait se prévaloir de la contrepartie financière conventionnelle. La Cour de cassation confirme toutefois qu’en application de l’article L. 2254-1 du Code du travail, lorsque l’employeur est lié par les clauses d’une convention collective ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables, de sorte que le fait que le contrat de travail ne fasse pas expressément référence à la contrepartie financière prévue par la convention collective ne permet pas de faire tomber la clause de non-concurrence.

(Cass. soc. 6 octobre 2016, n°15-17.227)

Formation et adaptation des salariés à leur poste de travail

Selon l’article L. 6321-1 du Code du travail, l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Une salariée, agent de fabrication, avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. En 8 ans de présence, elle n’avait suivi que deux formations, l’une sur la sécurité incendie du bâtiment, et l’autre sur l’hygiène et la qualité. Dans un arrêt du 5 octobre 2016, la Cour de cassation considère que la salariée aurait dû bénéficier, durant une période aussi longue, d'autres formations et que le manquement de l'employeur à son obligation résultant des dispositions de l'article L. 6321-1 du Code du travail avait eu pour effet de limiter sa recherche d'emploi à des postes ne nécessitant pas de formation particulière, et de compromettre son évolution professionnelle. La Cour de cassation confirme donc la condamnation de l’employeur à verser à la salariée 6 000 euros de dommages et intérêts pour méconnaissance de l'article L. 6321-1 du Code du travail.

(Cass. soc. 5 octobre 2016, n°15-13.594)

Prescription des faits fautifs et déclenchement d’une enquête préliminaire

Selon l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Un conducteur d’autobus avait été convoqué à un entretien préalable en raison de violences commises sur une passagère deux ans auparavant, et pour lesquelles cette dernière avait déposé une plainte pénale. Estimant que l’ouverture de l’enquête préliminaire avait permis d’interrompre le délai de prescription, l’employeur avait ensuite attendu que le tribunal correctionnel condamne définitivement le salarié, avant d’engager la procédure de licenciement fondée sur ces mêmes faits.

Toutefois, dans un arrêt en date du 13 octobre 2016, la Cour de cassation précise que la seule ouverture d’une enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République n’est pas un acte interruptif du délai de deux mois dont dispose l’employeur pour engager des poursuites disciplinaires, à propos des mêmes faits, à l’encontre du salarié.

(Cass. soc. 13 octobre 2016, n°15-14.006)

Prise d’acte de la rupture

L’article L. 1235-2 du Code du travail prévoit que "si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire".

Dans un arrêt publié du 19 octobre 2016, la Cour de cassation rappelle que l’indemnité prévue par ce texte ne peut être allouée que lorsque le contrat a été rompu par un licenciement. Elle n’est donc pas due en cas de prise d’acte justifiée de la rupture de son contrat de travail par un salarié, même si une telle prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

(Cass. soc. 19 octobre 2016, n° 14-25.067)

Travail temporaire et indemnité de précarité

Selon l’article L. 1251-32 du Code du travail, lorsque, à l'issue d'une mission, le salarié intérimaire ne bénéficie pas immédiatement d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) avec l'entreprise utilisatrice, il a droit à une indemnité de fin de mission destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité n’est donc pas due dès lors qu’un CDI a été conclu immédiatement avec l’entreprise utilisatrice.

Dans un arrêt en date du 5 octobre 2016, la Cour de cassation précise qu’en présence d’une promesse d’embauche en CDI, la date de conclusion du contrat est fixée à la date à laquelle le salarié a donné son acceptation. Dès lors qu’un délai de 9 jours séparait le terme de la mission et la date d’acceptation de la proposition de CDI, il s’en déduisait que "le salarié n’avait pas immédiatement bénéficié de ce contrat", de sorte qu’il devait percevoir l’indemnité de précarité.
(Cass. soc., 5 octobre 2016, n°15-28.672)